Ce qu’il reste après la faillite
Par
Marie Richeux

​Ici la faillite a eu lieu. Ici c’est Mouzon. Le lieu est important, l’adresse est importante. Il faut localiser avant d’écouter parler. A Mouzon, dans les Ardennes, il y avait une usine qui fabriquait du feutre. En grande quantité car on peut tout faire avec du feutre. C’est une voix, à peine articulée parfois, qui dit cela. Le visage vient après la voix et après les images de l’usine désormais à l’abandon, où murs craquelés rivalisent avec fenêtres cassées, machines en somme, et souvenirs de matière douce.

Ce qui a fait faillite, à cause d’une délocalisation apprend-on à demi-mot, c’est un savoir-faire, une culture ouvrière, mais aussi un certain rapport paternaliste entre ouvriers et patrons, une façon de travailler et de vivre le travail. Faillite au sens, ça a craqué, comme Fitzgerald hier, ça a craqué et si l’espoir fait vivre, vivent les souvenirs dit celui qui témoigne. On dit chute de feutre, et quel que soit ce qui est sculpté à partir de cela, qui poursuit la matière et tricote un temps continu, on observe donc, quelque chose qui est tombé de quelque part. »