Grain de sel
Par
Blandine Dauvilaire

Jérémy Gobé n’est pas un artiste comme les autres. Il suffit de croiser le travail du lauréat du prix Bullukian 2011, âgé de 26 ans, pour être frappé par le talent vertigineux et l’humanité qui s’en dégagent. Intitulée Monument aux mains, sa première exposition personnelle révèle une vision altruiste de l’art. “Je veux donner. Je veux échanger, rencontrer, transmettre”, dit-il simplement. Pour ce faire, il récupère des objets anciens auxquels il donne une nouvelle vie  grâce à l’ajout de matière textile. Ainsi, sur un miroir ovale, il a drapé et plissé minutieusement - en hommage à ses employés - la toile écrue trouvée dans une usine des Vosges désormais fermée. L’ensemble tient miraculeusement en équilibre. Plus loin, ses spirales et tourbillons bicolores ont transformé le devant d’une porte en sculpture monumentale. Mais c’est sa rencontre avec l’artiste textile Simone Pheulpin, née en 1941, qui est à l’origine de l’une des sculptures les plus émouvantes de l’exposition. Elle lui a offert une pièce qu’elle ne pouvait terminer, il l’a ourlée de délicatesse, et leurs plissés se sont répondus pour former un seul et même un paysage immaculé. Extraordinaire. Dans un autre registre, le plasticien développe un projet de sculptures à partir de vêtements donnés par des Lyonnais. Enfermés dans un cocon “tissé” par l’artiste, chacun devient une œuvre unique habitée de mémoire. Jamais décoratifs, les objets sublimés avec rigueur par ce fils de militaire racontent tous une histoire. En érigeant ce Monument aux mains, il a définitivement choisi son camp : celui de la liberté et de la poésie.