Dans le cadre du nouvel épisode Sea Art, Time for the Ocean et Marion Semblat présentent l'artiste Jérémy Gobé lors d'une projection au Silencio des Prés en présence de la réalisatrice Maud Baignères. L'occasion de découvrir un personnage haut en couleur: si on demande son avis à Jérémy Gobé, il n'est pas un artiste. Il fait, selon ses mots, preuve de « bon sens ». Pourtant, la trentaine environnante, il peut se vanter d'un parcours hors norme. L'homme à la conscience écologique aiguisée s'est lancé, à travers son art, dans une odyssée écologique peu commune.
Rencontre avec un prodigieux autodidacte.
Quartier latin. Sur grand écran est projeté le documentaire d'une demi-heure de la réalisatrice Maud Baignères. À l'affiche, une non-star sollicitée de toutes parts: Jérémy Gobé. On comprend, rapidement, le personnage; il est l'exception qui confirme la règle: « éco-artiste », religieux sans religion, panthéiste des formes et des couleurs - son art s'inspire des coraux en voie de disparition. L'œuvre est faramineuse. Et l'on se demande d'où il tire cette inspiration débordante. Enfant, il est tout de suite attiré par le dessin. D'une nature créative, il laisse libre cours à son imagination.
Dans sa famille, personne n'est artiste. Il se sent pourtant appelé vers la création. En école d'architecture, il découvre les techniques de dessin; encouragé par une amie, il part s'inscrire aux Beaux- Arts. Là, dans cet écrin d'êtres doués en devenir, il se sent, enfin, à sa place - parmi d'autres artistes.
Durant trois années, il suit une formation intense et il apprend les rudiments des arts plastiques qui lui seront utiles pour plus tard. Il lit beaucoup, amasse des connaissances. A sa sortie des Beaux-Arts, la découverte d'une usine abandonnée et sa rencontre avec leurs habitants lui inspirent ses premières créations artistiques en lien avec le corail. Alors commence une grande histoire d'amour entre l'artiste et la nature; il trouve, dans les motifs naturels, une source d'inspiration infinie; à la mesure de l'homme, donc, n'est point Dieu; à la mesure du corail, on trouve Jérémy Gobé.
Le documentaire se poursuit. Dans la salle de cinéma, l'attention est captivée; on retient presque son souffle, tandis que l'on découvre de grandes tapisseries de corail, tendues en infinis mouvements qui rappellent l'harmonie naturelle. On en apprend plus sur les propriétés extraordinaires du corail: une branche de corail peut se régénérer et repousser une fois collée sur du béton. De quoi être enthousiaste pour le xxr siècle; car Jérémy Gobé semble, comme
un miraculé, avoir réponse à tout: il apporte, aux problèmes du monde, des solutions adaptées, intelligentes, efficaces.
Les années passent, le jeune artiste va de succès en succès. Bientôt, il est démarché par des laboratoires pharmaceutiques; on souhaite travailler avec cet homme talentueux. Contacté par une entreprise, il décide de concevoir un projet vertueux: créer une nouvelle matière, un béton écologique. Et Jérémy Gobé ne recule devant rien, surtout pas devant les chiffres; il possède plus de cordes à son arc qu'il n'en faut pour tendre un archer. À l'aide d'un business plan, il sait qu'il sera en mesure d'atteindre un million d'euros de bénéfice net d'ici deux ans : le projet est donc viable.
Une de ses obsessions actuelles: créer un répertoire des coraux en voie de disparition. Il nous explique: « Je ne veux pas être dans la pensée, je veux être dans l'action à grande échelle. Il faut protéger le corail. Je crois que les choses peuvent changer. Je suis convaincu que la nature peut reprendre ses droits très rapidement. Si on parvient à renverser la dynamique du réchauffement climatique, le corail va pouvoir se régénérer. »
Il n'y a pas de doute, Jérémy Gobé est un artiste autodidacte à la trajectoire hors norme. Chez lui, la réflexion sert l'action. A en croire son parcours, les pinceaux et la toile ont été remplacés par le e-design et les ordinateurs; les mécènes d'autrefois, par des laboratoires pharmaceutiques. L'artiste du XXI siècle est un artisan soucieux d'écologie, préoccupé de développement durable, habité de fièvre technologique, aussi à l'aise qu'un patron tech dans la Silicon Valley; l'artiste du XXIe siècle est un entrepreneur.